Alors que la guerre continue de ravager l’Est de la République démocratique du Congo, une polémique enfle autour d’un point délicat : l’éventuelle intégration des rebelles du M23 dans les rangs de l’armée congolaise. Un sujet ravivé par des clauses confidentielles supposément contenues dans l’accord signé à Washington entre Kinshasa et Kigali, sous l’égide de partenaires internationaux.
Face aux inquiétudes croissantes, Patrick Muyaya, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement congolais, a apporté ce lundi 7 juillet, au micro de Radio Okapi, une mise au point très attendue. Selon lui, aucune intégration automatique ou généralisée du M23 n’est à l’ordre du jour. « L’éventuelle intégration se fera au cas par cas, sur base de critères stricts, notamment la vérification du casier judiciaire », a-t-il souligné, balayant ainsi les rumeurs faisant état d’un retour massif et non contrôlé des ex-rebelles dans les FARDC.
Une rupture avec les erreurs du passé
Cette déclaration intervient dans un contexte où la mémoire collective garde encore les stigmates du brassage et du mixage opérés sous le régime de Joseph Kabila, souvent pointés du doigt comme les causes de la désorganisation et de la fragilité chronique de l’armée nationale. À l’époque, des ex-chefs de guerre avaient été promus à des postes stratégiques sans encadrement adéquat, avec pour conséquences des mutineries récurrentes et la multiplication des groupes armés.
Conscient de ces failles, le gouvernement de Félix Tshisekedi opte désormais pour une approche sélective. « Le président de la République tient à une armée professionnelle et républicaine. Cela implique que toute intégration doit passer par un processus rigoureux et encadré », a insisté Patrick Muyaya.
Une paix fragile sous surveillance
L’éventuelle réintégration du M23 s’inscrit dans un processus diplomatique complexe, entamé avec le soutien des États-Unis, de l’Union africaine et de la CIRGL. L’accord signé récemment à Washington aurait notamment ouvert la voie à des négociations politiques conditionnées à un cessez-le-feu durable, au retrait des troupes rwandaises présumées présentes aux côtés du M23, et à un désarmement vérifiable des combattants rebelles.
Mais pour de nombreux Congolais, la prudence reste de mise. Des acteurs de la société civile, des élus et des militaires retraités craignent que l’option de l’intégration, même ciblée, soit instrumentalisée pour des arrangements politiques opaques, au détriment de la justice pour les victimes des crimes commis par le M23, notamment à Rutshuru et Bunagana.
Un test de crédibilité pour Kinshasa
La position exprimée par Patrick Muyaya constitue donc un test crucial pour la crédibilité du gouvernement congolais. Pour beaucoup, il ne suffit plus de promettre : encore faut-il prouver que la réforme de l’armée est effectivement en marche, et que la paix ne sera pas achetée au prix de l’impunité.
En attendant la suite des discussions avec le M23, le peuple congolais reste en alerte. La paix dans l’Est de la RDC ne pourra être durable que si elle s’appuie sur une armée disciplinée, une justice indépendante et une gouvernance transparente. L’intégration « au cas par cas » pourrait en être une pierre angulaire… ou un nouveau piège, si la vigilance fait défaut.
Muller Mundeke