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RDC : Joseph Kabila réagit enfin après les accords de Doha avec l’AFC-M23 et de Washington avec Kigali

Alors que les projecteurs sont braqués sur les récents accords de paix signés à Doha entre Kinshasa et l’AFC/M23, ainsi qu’à Washington entre Kinshasa et Kigali sous la médiation des États-Unis, une figure politique emblématique de la République démocratique du Congo (RDC) sort de l’ombre : Joseph Kabila.

L’ancien chef de l’État, retiré officiellement de la vie politique nationale depuis 2019, a finalement réagi. Et le message est clair : s’il garde le silence en façade, il n’a jamais cessé de peser dans les coulisses.

Deux accords, deux enjeux géopolitiques

D’un côté, l’accord signé à Doha, soutenu par le Qatar et appuyé par l’Union africaine et l’ONU, prévoit un cadre de désescalade entre le gouvernement congolais et le mouvement rebelle AFC/M23, aujourd’hui encore actif au Nord-Kivu et à Rutshuru. De l’autre, l’accord bilatéral signé à Washington entre Kinshasa et Kigali, porté par les États-Unis, met davantage l’accent sur la coopération régionale, les questions économiques – notamment minières – et la lutte contre les forces négatives dans la région des Grands Lacs.

Mais ces accords n’ont pas l’assentiment de tous. En particulier de Joseph Kabila, qui se montre particulièrement critique envers les clauses minières contenues dans le deal de Washington. Selon plusieurs sources diplomatiques, l’ancien président jugerait cet accord « défavorable aux intérêts congolais » et « trop accommodant » vis-à-vis du Rwanda, régulièrement accusé de soutenir le M23 en territoire congolais.

Kabila réactive son réseau politique à l’Est

Présent à Goma depuis plusieurs semaines, Joseph Kabila a entamé une série de consultations politiques discrètes mais soutenues. Après avoir rencontré divers notables, anciens collaborateurs, leaders communautaires et membres de la société civile à Goma, il a poursuivi ses échanges à Bukavu. L’objectif : établir une lecture alternative de la crise sécuritaire dans l’est du pays, mais aussi formuler des propositions politiques.

Un rapport de ces consultations a été rédigé, mais sa publication a été reportée. Une conférence de presse était initialement prévue, avant d’être annulée sans justification officielle. Toutefois, selon un collaborateur proche de Kabila, cité par Radio France Internationale (RFI), ce rapport pourrait être présenté dans le cadre du dialogue national en gestation, sous l’impulsion conjointe de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et de l’Église du Christ au Congo (ECC).

Une stratégie de réintégration politique ?

Alors que des rumeurs faisaient état d’une possible ambition de retour au pouvoir, les proches de Joseph Kabila réfutent fermement cette hypothèse. Ils évoquent plutôt une volonté de participer à la reconstruction nationale, à travers une reconnaissance des revendications populaires, notamment sur la gouvernance, la répartition des ressources et la sécurité à l’Est, son bastion historique.

Cependant, l’ancien président, aujourd’hui dépourvu d’immunité parlementaire, fait face à plusieurs enquêtes judiciaires ouvertes à Kinshasa autour de sa gestion des fonds publics, mais aussi des soupçons de collusion avec certains acteurs armés à l’est du pays. Des accusations qu’il juge infondées et politiquement motivées.

Les États-Unis plaident pour l’inclusivité

Du côté de Washington, la diplomatie américaine insiste de plus en plus sur la nécessité d’une « gouvernance inclusive » en RDC. La porte-parole du Département d’État, Tammy Bruce, l’a rappelé récemment : « Il est essentiel que toutes les forces politiques travaillent ensemble pour permettre un retour des déplacés, la stabilité et la justice à l’Est. » Une déclaration que les collaborateurs de Kabila n’hésitent pas à interpréter comme un soutien implicite à leur démarche.

À noter que Kikaya Bin Karubi, ancien conseiller diplomatique de Joseph Kabila, a effectué une mission de lobbying aux États-Unis il y a quelques semaines. Il y aurait notamment rencontré des représentants du Congrès, des think tanks et des membres du Département d’État pour évoquer la situation sécuritaire à l’est de la RDC et faire entendre la voix de Kabila dans les nouvelles configurations politiques en gestation.

Une partition politique encore incertaine

Malgré les procès en cours et une certaine mise à l’écart des structures officielles, Joseph Kabila n’envisage pas de se retirer totalement de la scène politique. Bien au contraire, selon ses partisans, il entend jouer un rôle actif dans la définition du futur politique de la RDC, et se tient prêt à faire entendre sa voix dans toutes les instances de dialogue, que ce soit à Kinshasa, à Doha, ou même à Genève où d’autres discussions sont en préparation.

Dans un pays où le vide politique est souvent comblé par les figures de l’ancien régime, Joseph Kabila, en silence mais en mouvement, se positionne peut-être comme l’homme de l’après-crise, ou du moins comme celui qui refuse d’être effacé des équations politiques congolaises. À 54 ans, l’ancien président semble vouloir récupérer une influence politique par d’autres moyens que les urnes – pour l’instant.


Muller Mundeke Kalonji

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