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RDC : discorde au sommet de l’AFC/M23, Kigali prend ses distances avec Corneille Nangaa selon un rapport de l’ONU

Alors que le mouvement rebelle M23, appuyé par l’Alliance Fleuve Congo (AFC), consolide son emprise sur l’Est de la République Démocratique du Congo, un rapport confidentiel du Groupe d’experts des Nations Unies met en lumière de profondes tensions internes au sein de la coalition rebelle.

Ce document explosif révèle notamment l’éviction progressive de Corneille Nangaa, ancien président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et visage politique de l’AFC, par les autorités rwandaises, en raison de ses ambitions jugées trop radicales.

Kigali se méfie de la ligne dure de Nangaa

Selon le rapport, Corneille Nangaa, qui avait lancé en décembre 2023 l’AFC comme une plateforme politico-militaire visant à légitimer les groupes armés opérant à l’Est du Congo, serait désormais marginalisé par Kigali. Le Rwanda, principal soutien du M23, n’aurait pas apprécié l’intention affichée par Nangaa de « marcher sur Kinshasa » pour prendre le pouvoir par la force. Une stratégie que Kigali considère trop risquée sur le plan diplomatique et militaire.

« Corneille Nangaa a franchi une ligne rouge en appelant à une conquête militaire de Kinshasa. Cette prise de position a provoqué une rupture avec ses soutiens rwandais qui, bien qu’engagés dans le soutien logistique et stratégique de la rébellion, cherchent à éviter une escalade incontrôlée », indique le rapport onusien.

Un leadership bicéphale fragilisé

D’après les experts, la direction militaire de la coalition reste fermement entre les mains du « général » Sultani Makenga, figure historique du M23, tandis que le leadership politique est partagé entre Bertrand Bisimwa et, jusqu’à récemment, Corneille Nangaa. Mais ce dernier aurait été relégué à un rôle secondaire, sous pression de Kigali, qui craint que ses ambitions personnelles nuisent à la stratégie plus prudente du M23.

Un soutien rwandais toujours actif

Le document de l’ONU confirme que le Rwanda continue d’exercer un contrôle opérationnel sur le M23/AFC. Des officiers de haut rang, comme le général Patrick Karuretwa et Fred Ngenzi Kagorora, maintiennent une coordination constante avec les principaux chefs rebelles. Ce réseau bien huilé renforce l’hypothèse d’une implication directe du Rwanda, en dépit des dénégations officielles et des condamnations internationales.

« Le soutien militaire et logistique du Rwanda à l’AFC/M23 est structuré, constant et stratégique », note le rapport, tout en soulignant la sophistication croissante des moyens utilisés sur le terrain.

Vers une fracture interne ?

La mise à l’écart de Nangaa pourrait être le symptôme d’un clivage plus profond au sein de l’AFC/M23 : d’un côté, une aile dure incarnée par Nangaa qui milite pour une prise du pouvoir par les armes ; de l’autre, une ligne plus calculée, pilotée par Kigali, visant à maximiser les gains territoriaux sans provoquer une réaction militaire internationale trop forte.

Ce rééquilibrage stratégique intervient alors que le M23/AFC contrôle aujourd’hui les deux principales villes de l’Est : Goma (Nord-Kivu) et Bukavu (Sud-Kivu), une avancée militaire spectaculaire qui n’aurait été possible sans l’appui extérieur.

Un processus de paix en décalage avec la réalité

Alors que la communauté internationale se félicite des récentes avancées diplomatiques, notamment l’accord de paix signé entre Kinshasa et Kigali à Washington le 27 juin dernier, les faits sur le terrain racontent une tout autre histoire. Les affrontements continuent, et les déplacements massifs de populations se poursuivent dans les territoires de Rutshuru, Masisi et Kalehe.

Ce contraste soulève des doutes sérieux quant à la sincérité des engagements pris, et à la viabilité d’un processus de paix qui semble ignorer les véritables dynamiques du conflit.

« Tant que les acteurs clés du conflit poursuivront des agendas parallèles — militaires, politiques et géostratégiques —, toute tentative de paix restera fragile et potentiellement illusoire », conclut sobrement le rapport des Nations Unies.


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