Alors que l’est de la République démocratique du Congo reste en proie à une crise sécuritaire majeure, nourrie par les affrontements entre les FARDC, les groupes armés et les rebelles de l’AFC-M23, une question brûlante circule dans les couloirs diplomatiques : les États-Unis enverront-ils des troupes pour appuyer l’armée congolaise ? Washington a tranché : pas d’intervention militaire directe. Mais un soutien accru, ciblé et stratégique est bien à l’ordre du jour.
Une position de principe : pas de bottes américaines au sol
Interrogé cette semaine à Nairobi, John Brennan, numéro deux du commandement américain pour l’Afrique (AFRICOM), a clarifié la posture américaine. « Ce n’est pas un conflit que l’on peut résoudre par la force. Il requiert une réponse régionale, soutenue par une pression diplomatique cohérente et une volonté politique locale », a-t-il affirmé. Pour Washington, la crise dans l’est de la RDC est « multiforme », mêlant des intérêts économiques, ethniques, géopolitiques, et des dynamiques transfrontalières complexes.
En clair : pas question d’envoyer des soldats américains dans une guerre aux lignes mouvantes, aux acteurs multiples, et où toute intervention pourrait être interprétée comme un acte de guerre ou d’ingérence.
Une stratégie d’appui indirect, mais renforcé
Même sans troupes sur le terrain, les États-Unis restent présents via une stratégie dite de « soft power militaire ». Washington privilégie la formation des cadres militaires congolais, la réforme de la chaîne de commandement, l’amélioration des systèmes logistiques et de gestion des ressources humaines dans l’armée congolaise, ainsi que la sensibilisation au droit international humanitaire.
Des sessions techniques ont déjà été menées ces derniers mois avec des officiers des FARDC. L’accent est également mis sur la lutte contre les groupes armés transfrontaliers qui déstabilisent l’est de la RDC et menacent les intérêts régionaux, notamment autour du corridor stratégique de Lobito.
Une coopération guidée par des intérêts économiques
Derrière cette posture prudente, les intérêts économiques américains ne sont pas en reste. Washington entend sécuriser ses investissements, notamment dans le corridor de Lobito, un axe ferroviaire et logistique reliant l’Angola, la RDC et la Zambie, essentiel pour l’exportation de minerais stratégiques comme le cuivre et le cobalt.
La RDC étant appelée à jouer un rôle majeur dans la transition énergétique mondiale, les États-Unis veulent garantir la stabilité des zones d’extraction et de transit, sans pour autant tomber dans le piège d’une militarisation directe.
Une coopération encore limitée, mais en évolution
Comparée à d’autres pays africains, la coopération militaire américano-congolaise reste modeste. En Somalie, les États-Unis fournissent un appui opérationnel quotidien, forment des unités spéciales et participent à des frappes ciblées contre les groupes djihadistes. En Angola, un partenariat structuré a été lancé récemment dans le cadre du State Partnership Program, un dispositif associant les forces locales à une Garde nationale américaine.
À Kinshasa, les marges de progression sont réelles, mais dépendent fortement de la volonté politique locale de réformer l’appareil militaire, de lutter contre la corruption et de consolider l’État de droit.
Ilunga Mubidi Oscar