Alors que Kinshasa et Kigali s’apprêtent à signer un accord de cessez-le-feu sous l’égide des États-Unis, les projecteurs se tournent vers Kigali, sommé par Washington de désengager la rébellion du M23 des territoires congolais occupés.
À Washington, l’heure est aux ultimes réglages diplomatiques. Dans quelques minutes ce vendredi 27 juin, les ministres des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda signeront un accord de cessez-le-feu supervisé par les États-Unis. Ce texte, encore confidentiel dans ses détails, vise à imposer un tournant dans la crise sécuritaire à l’Est du Congo, en forçant Kigali à faire plier la rébellion du M23. C’est ce qu’a révélé *The Globe and Mail*, citant des sources diplomatiques américaines proches du dossier.
Selon ces diplomates, Washington exige que le Rwanda utilise son influence militaire pour obtenir un retrait immédiat du M23, qui contrôle depuis des mois plusieurs localités stratégiques dans les provinces du Nord-Kivu. « Les termes initiaux de l’accord faisaient référence à l’intégrité territoriale, mais son objectif central est clair : il s’agit de forcer Kigali à obtenir un désengagement du M23 », explique Stephanie Wolters, analyste à l’Institut sud-africain des affaires internationales.
Trump cherche une victoire symbolique
Dans les cercles diplomatiques américains, cet accord est déjà présenté comme un exploit. L’administration Trump, en pleine campagne pour un retour à la Maison-Blanche, y voit une opportunité de projeter une image d’« artisan de paix » sur le continent africain. Des proches du président évoquent même l’idée d’une cérémonie officielle à la Maison-Blanche si le processus aboutit à un réel apaisement.
Mais sur le terrain, la réalité est plus contrastée. Le M23 continue ses offensives contre les Forces armées congolaises (FARDC), en violation de plusieurs cessez-le-feu précédents. L’absence de ce mouvement rebelle à la table des négociations soulève d’importantes interrogations sur la durabilité de l’accord. Washington parie sur la capacité du Rwanda accusé par l’ONU et Kinshasa de soutenir militairement le M23 à exercer un contrôle direct sur ses alliés de l’ombre, bien que Kigali nie toute implication.
Un accord fragile et sous haute surveillance
« Ce texte n’aura de poids que s’il débouche sur un changement réel sur le terrain », prévient Stephanie Wolters. Elle souligne que la stratégie américaine repose sur un savant dosage entre pressions économiques, menaces de sanctions et promesses d’appui à Kigali, en contrepartie d’un retrait effectif du M23.
Mais pour de nombreux analystes, cette approche reste risquée. L’absence d’un mécanisme de vérification indépendant, l’opacité des engagements pris par Kigali, et le silence du M23 lui-même laissent planer de sérieux doutes. De plus, certains hauts gradés rwandais pourraient voir dans ce recul imposé une perte d’influence régionale difficile à accepter.
L’Est du Congo retient son souffle
À Goma, à Rutshuru ou encore à Masisi, les populations vivent toujours sous la menace des combats. Pour elles, la promesse d’un accord de haut niveau ne vaut que si elle se traduit par une amélioration concrète de la sécurité.
En attendant que les stylos se lèvent à Washington, l’Est du Congo retient son souffle. Entre espoir d’un désengagement rebelle réel et scepticisme profond sur la volonté du Rwanda de sacrifier un levier militaire stratégique, la paix reste suspendue à un fil diplomatique encore trop mince.
Francis Mbokani