Une frappe de drone a visé ce lundi un avion dans la localité de Minembwe, en territoire de Fizi, province du Sud-Kivu, suscitant une vive controverse autour de la nature réelle de ce vol. L’attaque s’est produite alors que la République démocratique du Congo célébrait le 65e anniversaire de son indépendance.
Un appareil civil ou un vol militaire déguisé ?
Selon certaines sources , l’appareil visé était un avion présenté comme humanitaire, censé transporter des médicaments à destination des populations civiles enclavées de Minembwe, sous contrôle du groupe armé Twirwaneho, allié au mouvement rebelle M23.
L’organisation Twirwaneho, à travers un communiqué relayé par des figures politiques locales telles que Claude Nyarugabo, a dénoncé une « attaque délibérée contre les civils », accusant le gouvernement congolais et les Forces armées de la RDC (FARDC) d’avoir bombardé un avion qui « tentait d’apporter un minimum de secours à une population abandonnée depuis des années ». L’attaque aurait fait plusieurs blessés, dont un chef local et un enfant de huit ans, actuellement pris en charge à l’hôpital de référence de Minembwe, selon des témoignages.
Un vol suspect, affirme Kinshasa
Du côté des autorités congolaises, aucune déclaration pour l’instant. Cependant, selon une indiscrétion, l’appareil aurait été « un avion suspect, inconnu des bases de données de l’aviation civile congolaise », et n’aurait bénéficié d’aucune autorisation de vol délivrée par le gouvernement provincial du Sud-Kivu, basé à Uvira.
Cette même source affirme que l’avion aurait été engagé dans une « mission militaire déguisée en opération humanitaire », visant notamment à ravitailler les forces du M23/Twirwaneho et à exfiltrer Gadi Mukiza, récemment nommé vice-gouverneur du Sud-Kivu. Ancien bourgmestre de la commune contestée de Minembwe, Gadi Mukiza est soupçonné par plusieurs acteurs locaux d’avoir été longtemps proche de groupes rebelles, notamment Red Tabara et Twigwaneho, eux-mêmes alliés du M23.
Un contexte explosif
L’incident survient dans un contexte particulièrement tendu dans les hauts plateaux du Sud-Kivu, où plusieurs groupes armés se disputent le contrôle du territoire, sur fond de rivalités ethniques, de luttes géopolitiques régionales et d’interférences transfrontalières. Les autorités congolaises accusent régulièrement le Rwanda de soutenir ces mouvements, tandis que les groupes armés dénoncent ce qu’ils appellent une politique d’« exclusion » menée par Kinshasa.
L’exfiltration supposée de Gadi Mukiza par voie aérienne, au départ présentée comme une mission administrative, apparaît désormais comme un acte à haute portée politique et militaire. Sa nomination avait déjà suscité de vives critiques, certains y voyant une tentative de légitimation indirecte du contrôle de Minembwe par les groupes rebelles.
Une guerre de récits
À travers les réseaux sociaux, notamment via des comptes proches du M23, de Twirwaneho ou de l’alliance AFC/M23, les discours se multiplient pour accuser le gouvernement central d’agressions ciblées contre des populations locales. D’autres voix, notamment proches des groupes d’autodéfense Wazalendo, saluent l’action de l’armée congolaise, qu’ils présentent comme un acte de « protection de la souveraineté nationale contre des infiltrations étrangères ».
Dans une région marquée par les récits contradictoires et les manipulations médiatiques, la vérité reste difficile à établir. Mais une chose est sûre : l’épisode du drone de Minembwe confirme que la guerre dans l’est de la RDC se joue autant sur le terrain que dans la bataille des narratifs.
Xavier Yulu Kasongo