L’Ouganda a confirmé avoir conclu un accord temporaire avec les États-Unis visant à accepter des ressortissants de pays tiers expulsés des États-Unis, refusés d’asile et hésitant à retourner dans leur pays d’origine. Cet arrangement exclut explicitement les personnes ayant un casier judiciaire et les mineurs non accompagnés, et privilégie les ressortissants africains.
Selon Vincent Bagiire, secrétaire permanent au ministère ougandais de l’Intérieur, l’accord porte sur la « coopération pour l’examen des demandes de protection », et même si les modalités restent à finaliser, l’idée d’une collaboration bilatérale est bien validée.
Précisions et controverses internes
Toutefois, l’accord fait l’objet de contestation en interne. Henry Oryem Okello, ministre d’État aux Affaires étrangères, a déclaré ignorer l’existence d’un tel accord, soulignant que l’Ouganda ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour accueillir de tels migrants.
Cette contradiction révèle des divergences au sein du gouvernement, entre ceux qui annoncent un accord et d’autres qui appellent à la prudence, soulevant des doutes sur la capacité organisationnelle du pays à gérer cet afflux éventuel.
Contexte humanitaire et politique
L’Ouganda héberge déjà près de 1,7 à 2 millions de réfugiés, principalement fuyant les conflits au Soudan du Sud, en RDC ou au Soudan. La région des Grands Lacs est marquée par une instabilité persistante : la résurgence de groupes armés comme le M23 en RDC, les élections ougandaises prévues en janvier 2026, ainsi que les tensions transfrontalières, pèsent lourdement sur la sécurité régionale.
L’accueil de nouveaux migrants, quelle que soit leur origine, pourrait ainsi amplifier les défis logistiques, sécuritaires et sociaux déjà existants.
Le précédent rwandais : un exemple instructif
Le voisin rwandais a récemment signé un accord similaire avec Washington : le Rwanda accepte jusqu’à 250 migrants expulsés des États-Unis. Cet accord comprend des mesures concrètes d’accueil telles que l’offre de formation professionnelle, de logements et de soins médicaux, ainsi qu’une évaluation individuelle préalable des personnes accueillies.
Les critiques soulignent toutefois la nature controversée de ces pratiques de “déportation vers des pays tiers”, soulignant leur opacité et les enjeux de droits humains dans des régions politiquement sensibles.
Enjeux soulevés
- Politique migratoire américaine : Cette stratégie s’inscrit dans une logique expansionniste de la politique de l’administration Trump visant à externaliser les expulsions vers des pays tiers, une pratique déjà initiée avec l’Eswatini et le Soudan du Sud.
- Droits humains et viabilité : Des ONG et des parlementaires ougandais ont mis en garde contre une possible atteinte à la dignité des personnes transférées, évoquant les risques d’exploitation, de stigmatisation et la capacité du pays à les intégrer, surtout en l’absence de soutien international clair.
- Impacts géopolitiques : L’accord ougandais, s’il se concrétise, pourrait refléter une diplomatie migratoire stratégique, où les rapports avec Washington deviennent un levier politique. Certains observateurs y voient une manière pour Kampala de renforcer sa stature régionale ou ses liens internationaux, notamment dans le contexte électoral à venir.
Cet accord temporaire entre l’Ouganda et les États-Unis annonce une nouvelle phase dans la politique américaine de déportation vers des pays tiers. À la fois phénomène géopolitique et enjeu humanitaire, il suscite autant d’opportunités – comme un financement potentiel, une coopération régionale accrue – que d’inquiétudes profondes quant aux droits des personnes concernées, à la capacité logistique de l’Ouganda, et à l’impact sur une région déjà fragile.
Muller Mundeke Kalonji