À Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, la population est de nouveau plongée dans l’incertitude. L’Alliance des Forces du Congo (AFC-M23), coalition rebelle occupant plusieurs zones de l’Est de la RDC, vient d’annoncer de nouveaux tarifs liés à la gestion foncière dans la commune de Karisimbi. Cette mesure, relayée à travers une vidéo virale sur les réseaux sociaux, alimente la peur d’une spoliation massive des terres.
Des frais exorbitants pour un simple document
Dans la séquence filmée, le responsable des services de cadastre de l’AFC-M23 explique qu’un certificat parcellaire coûtera désormais 815 dollars américains, auxquels s’ajoutent 50 dollars pour le mesurage du terrain. Le contrat parcellaire est, lui, fixé à 415 dollars, plus 50 dollars pour le mesurage, pour une durée de validité de trois ans seulement.
« Le sol et le sous-sol appartiennent à l’État. Toute parcelle non identifiée peut être utilisée pour d’autres finalités puisqu’elle ne figure pas sur le croquis », a-t-il déclaré. Cette phrase, jugée menaçante par de nombreux habitants, est perçue comme une façon d’annoncer que des terrains privés pourraient être saisis ou redistribués sans recours possible.
Une taxe de plus dans un climat déjà tendu
À Goma, la nouvelle passe très mal. Plusieurs habitants dénoncent un alourdissement du fardeau fiscal alors que la population est déjà soumise à de multiples taxes imposées par l’administration du M23 : commerce, circulation, assainissement, importations et désormais foncier.
« On paie déjà pour tout : traverser une barrière, vendre au marché, même pour transporter du charbon de bois. Maintenant ils viennent toucher aux parcelles, c’est notre dernier refuge », se lamente un habitant joint par téléphone.
Un enjeu stratégique : le contrôle de la terre
Pour les analystes, cette décision ne relève pas seulement d’une question financière. Le foncier est un enjeu central dans les conflits de l’Est de la RDC. Contrôler les titres et certificats, c’est contrôler la propriété, mais aussi les ressources naturelles, l’urbanisation et même l’identité des communautés.
En instaurant un « cadastre » parallèle, l’AFC-M23 chercherait à légitimer son administration et à créer une base juridique pour redistribuer les terres selon ses intérêts ou ceux de ses alliés.
Entre peur et résignation
Sur le terrain, la situation alimente l’angoisse. Beaucoup de propriétaires craignent de perdre leur terrain s’ils ne paient pas ces frais jugés exorbitants. D’autres, résignés, envisagent de céder pour éviter les représailles.
« Si on ne paie pas, ils diront que notre parcelle n’est pas enregistrée et ils la donneront à quelqu’un d’autre. On n’a pas le choix », confie un commerçant de la commune de Karisimbi.
Kinshasa interpellé
Pour l’instant, les autorités de Kinshasa n’ont pas encore officiellement réagi à cette nouvelle taxation. Mais pour plusieurs observateurs, il y a urgence : la mise en place d’un cadastre parallèle dans une grande ville comme Goma constitue un défi direct à la souveraineté de l’État congolais et pourrait ouvrir la voie à une vague de spoliations.
Yvan Kambere à Butembo