Un pas supplémentaire vient d’être franchi dans le rapprochement entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Après l’accord de paix conclu à Washington le 27 juin dernier, les deux pays ont signé, le 1er août, sous l’égide des États-Unis, un énoncé de principes établissant les bases d’un cadre d’intégration économique régionale.
Ce dispositif vise à structurer la coopération entre Kinshasa et Kigali, dans un contexte marqué par des tensions persistantes à l’est de la RDC.
Dimanche 14 septembre, l’agence Reuters a révélé l’existence d’un premier projet de texte. RFI a pu consulter ce document de 17 pages qui fixe les grandes lignes de ce partenariat économique inédit, articulé autour de trois secteurs clés : l’énergie, les infrastructures et les mines.
Énergie : barrage Ruzizi III et gaz du lac Kivu
Dans le domaine énergétique, deux projets occupent le devant de la scène. Le premier concerne le financement du barrage hydroélectrique Ruzizi III, considéré comme stratégique pour toute la région des Grands Lacs.
Le second porte sur une exploitation coopérative et durable du gaz méthane du lac Kivu pour produire de l’électricité, projet auquel le Burundi est également associé. Ces initiatives visent à renforcer l’interconnexion énergétique régionale et à réduire la dépendance aux énergies fossiles.
Infrastructures : le corridor de Lobito au cœur du dispositif
Le texte met également en avant le développement conjoint d’infrastructures de transport pour les passagers et les marchandises. Ports, entrepôts, marchés et axes routiers figurent au menu, avec une mobilisation accrue des investissements privés.
Un projet stratégique retient particulièrement l’attention : le corridor de Lobito. Ce réseau ferroviaire, considéré comme le plus important investissement américain dans le secteur des transports en Afrique centrale, relie déjà la RDC, la Zambie et l’Angola. Avec plus de 6 milliards de dollars engagés, il constitue une voie d’évacuation clé pour les minerais et pourrait être étendu vers le Rwanda afin de fluidifier le commerce transfrontalier.
Mines : transparence et rupture avec l’économie de guerre
Le secteur minier, pilier des économies régionales, est au cœur des discussions. L’est de la RDC recèle entre 60 % et 80 % des réserves mondiales de coltan, minerai stratégique pour l’industrie électronique mondiale.
Le projet de cadre prévoit de bannir toute entreprise soupçonnée de financer des groupes armés afin de « couper définitivement le lien entre minerais, conflits et violences ». Les mécanismes régionaux actuels de certification et de traçabilité seront réformés ou remplacés pour se conformer aux standards internationaux. Le secteur privé sera directement associé à ce processus.
Fiscalité et zones économiques spéciales
Pour lutter contre la contrebande et les pratiques de concurrence déloyale, Kinshasa et Kigali s’engagent à harmoniser leurs règles fiscales et leurs redevances minières. Le texte envisage également la création de zones économiques spéciales transfrontalières, où les minerais pourraient être transformés sur place avant exportation. Objectif : attirer des investisseurs, créer des emplois et bâtir un secteur industriel de classe mondiale, de l’extraction à la transformation.
Suivi politique et implication régionale
Un sommet annuel de haut niveau est prévu afin de faire le point sur les avancées, ajuster la stratégie et éventuellement associer d’autres partenaires régionaux. Les États-Unis, qui supervisent ce rapprochement, entendent sécuriser les investissements et garantir la stabilité des projets.
Un calendrier serré
Selon les dispositions de l’accord du 27 juin, les premières mesures concrètes doivent être mises en œuvre d’ici deux semaines. Reste à savoir si, dans un contexte de méfiance mutuelle et de tensions persistantes sur le terrain, Kinshasa et Kigali parviendront à transformer ce cadre économique ambitieux en une réalité durable.
Patrick Kalume Mwanamulume